Posté le 08-12-2025,
dans la catégorie Héritage
Contexte et enjeux
Depuis longtemps, en matière de transmission – succession ou ISF/IFI –, la question de la déductibilité d’un solde débiteur de compte courant d’associé est sensible. En effet, l’article 773, 2° du Code général des impôts (CGI) interdit de déduire de l’actif imposable les dettes « consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées ».
La difficulté s’agissait de savoir si une société — ici, une Société civile immobilière (SCI) — pouvait être considérée comme « personne interposée ».
Jusqu’à présent, la doctrine fiscale réputait comme telles des personnes physiques (père, mère, enfants, descendants) via le renvoi à l’article Article 911 du Code civil.
Mais l’arrêt rendu le 26 novembre 2025 — pourvoi n° 23‑23.086 — change la donne.
Faits de l’espèce
Le de cujus était usufruitier de parts d’une SCI (dont il était gérant), tandis que ses enfants (et petits‑enfants par représentation) détenaient la nue-propriété.
Au moment du décès, le compte courant d’associé détenu par le défunt dans la SCI affichait un solde débiteur de 422 832 €. Héritiers et ISF/IFI‑déclaration l’avaient inscrit au passif.
L’administration fiscale a contesté la déduction de cette dette, estimant qu’elle était consentie au profit d’une « personne interposée », et donc non déductible en application de l’article 773, 2° du CGI.
La décision de la Cour de cassation (26 nov. 2025) et sa portée
La Cour rappelle que l’article 773, 2° du CGI vise les dettes consenties par le défunt à ses héritiers ou à des « personnes interposées », en renvoyant à l’article 911 du Code civil.
L’article 911 du Code civil énumère comme personnes interposées — par présomption simple et jusqu’à preuve contraire — les père, mère, enfants, descendants, etc.
Mais la Cour de cassation précise que, même si seules ces personnes physiques sont présumées interposées, le CGI n’interdit pas qu’une personne morale (comme une société) soit qualifiée de « personne interposée ». Autrement dit : la SCI en question peut valablement être regardée comme interposée.
Par conséquent, la dette résultant du compte courant d’associé débiteur n’est pas déductible du passif de la succession / de l’ISF (ou IFI) : la déduction est refusée.
Cette décision confirme la position selon laquelle la notion de « personne interposée » peut dépasser l’énumération de l’article 911 du Code civil, notamment pour englober une société.
Pourquoi cette décision change‑t‑elle la donne ?
Parce qu’elle ferme la voie — parfois invoquée — consistant à considérer qu’un compte courant d’associé débiteur au sein d’une société (SCI, etc.) ne pourrait être rejeté faute d’être visé expressément comme « personne interposée ».
Parce qu’elle illustre que le renvoi à l’article 911 du Code civil crée une présomption (personnes physiques), mais n’exclut pas d’autres formes d’interposition — ce que l’administration (et maintenant la jurisprudence) peuvent retenir.
Parce qu’elle accroît la vigilance requise lors de la constitution d’un compte courant d’associé, surtout dans un contexte de préparation patrimoniale (transmission, donation, démembrement, etc.).
Conseils pratiques pour anticiper les risques
Formaliser la dette avant le décès — idéalement par un acte authentique ou sous‑seing privé daté (et enregistré), afin de permettre, le cas échéant, de prouver la réalité de la dette selon les conditions de droit commun.
Documenter clairement l’origine et la réalité des avances (statuts, convention de compte courant, écritures comptables, traces bancaires) pour rendre la créance plus difficilement contestable à titre de « fictive ».
Revoir la structure de détention (nue‑propriété / usufruit / démembrement) avec un professionnel — notaire ou avocat fiscaliste — pour évaluer les risques attachés à l’inscription d’un solde débiteur en passif.
En cas de doute, ne pas compter uniquement sur la présomption favorable : la jurisprudence récente montre qu’une société peut être qualifiée de personne interposée, donc la déductibilité n’est plus automatique.
Conclusion
L’arrêt du 26 novembre 2025 de la Cour de cassation constitue une étape décisive pour la fiscalité des successions impliquant des comptes courants d’associé débiteurs : il confirme que la notion de « personne interposée » au sens de l’article 773, 2° du CGI peut s’étendre à des sociétés, et non se limiter aux seules personnes physiques mentionnées à l’article 911 du Code civil.
Ce revirement exige des précautions renforcées en termes de structuration, de contractualisation et de preuve — pour éviter, le moment venu, une mauvaise surprise fiscale pour les héritiers.
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